3 questions à… Claire François, directrice de l’Inist.
- Vous êtes entrée à l’Inist en 1990 et vous en avez pris la direction en 2018. Après 28 ans dans l’Institut, le fait d’en devenir directrice était pour vous une continuité dans votre évolution professionnelle ou était-ce un véritable challenge ?
Devenir directrice n’a jamais été un objectif pour moi. Mon seul critère est de travailler sur un projet enthousiasmant, avoir un challenge qui m’oblige à déployer des ressources insoupçonnées.
Si je regarde mon parcours à l’Inist, il peut sembler très linéaire : ingénieure R&D, responsable de service, d’un pôle d’une trentaine de personnes, d’un département d’une centaine de personnes, et enfin directrice. En fait, je peux diviser ma carrière en 2 temps, une première partie orientée vers la R&D très riche et enrichissante, une seconde partie où j’ai pris conscience qu’il était devenu nécessaire de réinventer pour l’Inist et que je pouvais apporter ma vision et mes compétences dans cette aventure.
Quand Dominique Wolf m’a proposé de prendre l’intérim à son départ, j’ai réalisé que j’avais la capacité de relever ce challenge et que je pouvais être utile pour mettre en œuvre le projet de l’Inist qui en était à ses débuts.
- Au 31 décembre 2020, la part de femmes parmi les directeurs d’unité au CNRS était de 24,3 %*. Même si ce taux a augmenté de 2 % par rapport à 2019, les femmes sont encore peu présentes dans cette fonction.
Qu’est-ce qui pourrait expliquer ce chiffre selon vous ?
En endossant ce rôle, les instances du CNRS nous expliquent que nous assumons la responsabilité de tout ce qui se passe au sein de l’unité et en particulier la sécurité des agents.
C’est peut-être cette notion de responsabilité qui peut poser problème. Dans la mesure où les femmes assument encore une majorité des tâches dans leur vie de famille, il est sans doute difficile de concilier ces deux responsabilités pendant toute une partie de leur carrière. Je me demande si elles ne prennent pas, si nous ne prenons pas, trop au sérieux cette notion de responsabilité. Au CNRS, nous avons toute l’organisation de l’institution pour nous épauler et nous pouvons également nous appuyer sur l’équipe d’encadrement.
- Quelle femme, dans votre entourage personnel ou dans la vie publique, est pour vous un modèle inspirant ?
Je n’ai pas vraiment de modèle inspirant, il s’agit plus généralement d’un climat favorable. Adolescentes avec mes amies, nous avions bien conscience que nous profitions des avancées obtenues par nos ainées, de la génération de nos mères.
Quelques exemples…
Je me souviens d’avoir lu enfant une bande dessinée sur quelques feuilles décrivant le parcours de Marie Curie et se terminant pas un dessin où elle montrait à ses étudiants ses mains déjà abimées par la radioactivité.
Aux Antilles, j’ai lu le roman Pluie et vent sur Télumée Miracle de Simone Schwarz-Bart, le titre est déjà tout un programme. L’histoire se situe quelques années après l’abolition de l’esclavage, et suit le parcours d’une jeune femme noire dans cette société qui s’inventait en tenant compte du cadre mis en place par les békés.
Quand j’étais étudiante en DEA (équivalent du master 2), je côtoyais une chercheure brillante, elle faisait référence dans sa spécialité. Néanmoins, elle n’était pas responsable d’équipe, elle était célibataire. Avec mes amies étudiantes, nous nous posions la question du prix à payer dans notre choix professionnel.
Maintenant la situation a bien évolué, et dans le domaine de la documentation la part des femmes est suffisamment importante pour qu’elles se retrouvent à tous les types de postes.
*Source : Rapport social unique du CNRS 2020.